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QUELLE AGRICULTURE PAR ET POUR LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE (SA) ?

Cette note, encore au stade de l’esquisse [1], tente d’éclairer simultanément et si possible dialectiquement, la double question : quelle agriculture serait-elle permise par la SA (préposition "par"), une agriculture particulière est elle nécessaire pour conquérir et appliquer la SA (préposition "pour") ?

Pour cela il faut dépasser le fait que la définition proposée par LVC en 2003 ne dise rien sur le type d’agriculture impliquée par la SA [2] : « la souveraineté alimentaire désigne le droit des populations, de leurs pays ou unions, à définir leur politique agricole et alimentaire, sans dumping vis-à-vis des autres pays ", (document interne de LVC). La définition complémentaire proposée par ailleurs (voir la note "définition de la SA") ne dit rien non plus sur ce point.

Au plan juridique, la SA "accorde" aux Etats une autonomie supérieure à l’actuelle en matière de politique agricole et alimentaire mais n’impose, juridiquement parlant [3], contrairement au droit à l’alimentation, aucun contenu particulier à ces politiques, au-delà du respect des autres règles internationales et du contenu d’un nouvel accord sur l’agriculture.

Alors pourquoi se poser la double question du "par" et du "pour" ? La réponse tient en une phrase : la SA est indispensable pour la survie et pour le développement de certains types d’agriculture dont la défense et la promotion contribuent elles-mêmes à la réalisation de la SA.

Cette phrase appelle évidemment quelques commentaires, présentés en trois points :
- les liens entre agriculture et SA, côté "par" et côté "pour",
- les liens entre les types d’agriculture et la SA (unités de production, façons de produire …),
- le fonctionnement du système alimentaire mondial et ses conséquences sur les agricultures.

1. Les liens entre SA et agriculture

1.1 La SA comme condition d’une certaine agriculture, elle-même indispensable :

1.11 La traduction du paradigme de la SA en nouvelles règles internationales et nouvelles politiques agricoles est indispensable pour la nécessaire (voir 1.2) promotion de "l’agriculture familiale" et la limitation de "l’agriculture industrielle", terminologie utilisée ici, faute de mieux (voir 2). Actuellement, au lieu d’être confortées pour mieux répondre aux besoins alimentaires, tout en protégeant la planète, les diverses agricultures familiales sont fragilisées par trois groupes de facteurs, déterminants dans le fonctionnement du système alimentaire mondial (voir 3) : les règles, les entreprises et l’absence de politiques adaptées.

Dans ces conditions, c’est l’agriculture industrielle et l’agrobusiness qui sont conquérants, fragilisant ainsi encore davantage de nombreuses agricultures familiales :
- les paysans pauvres et mal nourris représentent environ les 2/3 des paysans et des personnes sous et mal alimentées ;
- une part non négligeable des exploitations familiales ne parviennent pas assurer un niveau de revenu suffisant pour leurs membres et le supplément de nourriture pour les villes ; leurs difficultés sont aggravées par l’instabilité des prix qui bloque toute possibilité d’investissement sur les exploitations et dans leur environnement (moyens de stockage, …) ;
- de nombreux paysans et communautés n’ont pas accès à la terre et à l’eau, situation encore aggravée par l’accaparement des terres, l’extension des cultures industrielles, souvent sous la contrainte …
- l’extension de l’agriculture industrielle, avec ou sans déforestation, détruit les ressources naturelles indispensables aux agricultures locales et à la collectivité ;
- de nombreux gouvernements n’ont pas les ressources et les possibilités réglementaires pour favoriser les évolutions en matière d’organisation, de formation …
- la recherche publique est insuffisante pour conserver et valoriser les ressources génétiques, face aux groupes semenciers et pour aider les agriculteurs à améliorer leurs pratiques.

==> La SA doit conduire à des politiques nationales autonomes et adaptées, notamment pour fortement restreindre l’agriculture industrielle et l’agrobusiness.

1.12 En quoi le renforcement de l’agriculture familiale est-il indispensable [4] ?
- pour permettre aux paysans pauvres de sortir de la pauvreté,
- pour accroître la production en sauvegardant le maximum d’emplois et en mobilisant le moins possible de financements extérieurs à l’agriculture en raison d’une part d’une moindre accumulation, d’autre part en réalisant une partie de celle-ci par autofinancement et par autoproduction ;
- pour développer des systèmes de production respectueux des ressources naturelles et faibles consommateurs d’intrants industriels, (l’agriculture familiale le peut à certaines conditions, l’agriculture industrielle, non, voir 2)
- pour permettre un développement de l’agriculture favorable au développement global (économique, social, écologique), compatible avec les conditions démographiques et économiques de la majorité des pays du Sud et répondant aux besoins de tous les pays.

1.2 Quelle agriculture pour la SA ? La réponse à cette question comporte deux volets :

• Le premier volet relève de la contribution à l’obtention de la SA : des pratiques et des revendications alternatives (voir la note "définition de la SA" p 3) sont indispensables pour entraîner et soutenir la demande des Etats au niveau international et pour obtenir les politiques adéquates, cela tant du point de vue de l’agriculture que de l’alimentation ; • Le second volet relève de la contribution aux nouvelles règles, à travers deux aspects :

==> Sous certaines conditions, de durabilité notamment, l’agriculture familiale conditionne l’obtention de la SA et sa pérennisation.

2. les différents liens entre type d’agriculture et SA (ou comment désigner les agricultures souhaitées et celles rejetées ?)

La réponse à cette question implique de prendre successivement en compte les types d’unité de production (exploitation agricole) [5] , les façons de produire, les préconisations agronomiques globales pour ensuite (point 3) réexaminer cet ensemble dans le cadre du système alimentaire mondial.

2.1 Les principaux types d’unités de production, notamment en Europe

On oppose généralement l’exploitation familiale et l’exploitation capitaliste en raison de leurs différences en matière d’objectifs et de structure, donc également de fonctionnement.
- L’exploitation familiale (dont paysanne) : dans le cas général, la famille (ou le(s) chef(s) d’exploitation en son nom) définit les objectifs et les modalités de production de façon autonome en fonction de ses objectifs et de ses moyens de production, auto fournis pour l’essentiel, dont le travail dans tous les cas. Cette autonomie est souvent réduite par les liens avec les fournisseurs et ou avec les acheteurs (production sous contrats plus ou moins formels). L’objectif de cette unité et d’assurer un revenu suffisant, parfois avec des conditions de travail très difficiles, en vue de sa pérennité. Le caractère "familial", y compris avec une part minime de travail salarié, limite la taille de ces unités, par la terre et la main d’œuvre disponibles, par la capacité de financement. Ces limitations n’empêchent pas une grande diversité des exploitations aux différentes échelles. L’exploitation familiale est très marquée par ses rapports internes (H/F, chef d’exploitation/aides familiaux) et par le régime foncier local. Ce statut, articulé à une forte croissance capitaliste et productiviste en Europe depuis les années 1950, a conduit à une dynamique très particulière des exploitations familiales de cette région, (voir encadré n° 1).

Encadré n° 1 : Quelles leçons tirer de la dynamique récente des exploitations familiales en Europe ?
  • Une dynamique contrastée en interne du fait de l’articulation d’un statut original avec un contexte de forte croissance capitaliste. Ce contraste se construit en lien d’une part avec la stratégie de chaque exploitation au regard de sa place dans le processus d’inclusion/exclusion, d’autre part, de la place de ses productions dans le processus global de croissance/régression de l’agriculture :
  • Place individuelle : positon par rapport au "seuil de renouvellement" [6], capacité ("capabilité") à adapter les nouveaux "paquets techniques") à faire face à l’endettement …
  • Place collective : position de chaque production dans la stratégie d’amont (proposition de nouvelles techniques génétiques, mécaniques ou chimiques déplaçant les conditions de compétitivité) et d’aval (intégration, nouvelles bases contractuelles, entraînant de nouvelles normes de production, la suppression d’activité de production et de commercialisation).
  • L’exploitation familiale associe de façon originale la fonction de production et la fonction de consommation, Dans la réalité cette association est très variable en termes d’importance respective de chaque fonction et donc du rôle de chacune dans les décisions productives [7] . Surtout, l’exploitation familiale réunit "sur" la même personne ou sur le même groupe de personnes, l’apport du travail et du capital, facteurs fournis par deux acteurs différents (salarié et capitaliste) en règle générale en économie capitaliste. Ce caractère hybride ("réunion de deux éléments habituellement séparés") a de nombreuses conséquences aux échelles individuelle et sociale dans ce type d’exploitation dont le principe est de tirer un revenu satisfaisant pour ses membres : dépendance des phases de vie de la famille et des conditions patrimoniales et démographiques, particulièrement en phase de succession/installation (d’où le caractère très largement majoritaire des installations dans la cadre familial), nature du revenu combinant un revenu du travail (différent d’un salaire) et un revenu du capital (positif ou négatif). Le travail familial ne relève pas pour l’essentiel du droit du travail, n’est pas directement socialisé sur le "marché du travail" [8] , son remplacement par le capital touche directement les membres de la famille, dans une relation dynamique entre les facteurs de production, en termes d’endettement, de conditions de travail, de nombre d’emplois Cette relation est source de développement ou de régression à l’échelle de l’unité au sein d’un processus social d’intégration/régression à l’échelle de l’agriculture….
  • Ainsi les termes "exploitation familiale" désignent des unités de taille et de logique économique fort différentes, allant de l’unité principalement tournée, de façon volontaire ou contrainte, vers la gestion patrimoniale et l’autoconsommation, jusqu’à l’unité tournée vers une logique de revenu maximum, consacré en partie, parfois importante, à l’accumulation de capital et de terre. Chaque exploitation peut connaître plusieurs stades successifs : stabilité, régression, arrêt (absence de successeur …) ou en expansion. Les exploitations familiales d’un territoire donné diverses en termes de dotation en facteurs, le sont également dans leur dynamique technique et économique …, et souvent en concurrence, notamment pour l’accès à la terre, (facteur localisé, fixe et limité).
  • Cette diversité de structure et de dynamisme a joué à plein depuis les années 1950 en Europe dans le triple processus d’intensification des facteurs travail et terre à partir de facteurs industriels, de spécialisation et de concentration sous l’égide successive des industries d’amont de 1950 à la fin des années 60, puis d’aval et, depuis les années 1980-85, de la grande distribution dans un marché de plus en plus mondialisé et financiarisé. Forcées ou volontaires, les exploitations familiales ont été soit exclues du processus, soitont répondu, parfois difficilement, aux attentes du capital pour son développement en amont et en aval. Ce capital a pu de développer sans avoir besoin de financer l’évolution interne de l’agriculture (l’Etat s’en est en partie chargé). Le capital a ainsi pu contourner à son avantage la difficulté de s’implanter dans la production agricole, là où l’agriculture familiale est historiquement dominante [9].
  • Quelles leçons en tirer ? Ainsi l’agriculture familiale européenne a vécu depuis les années 50 une transformation radicale qui n’a rien d’un "long fleuve tranquille". On peut tirer de l’évolution dans cette période trois propositions de politique agricole :
  • 1. la logique interne de la grande majorité des exploitations familiales les pousse, dans une situation de fortes évolutions des débouchés et de l’offre de nouveaux moyens de production, à évoluer en se spécialisant, en s’agrandissant chaque fois que possible, quitte à contribuer à la surproduction, à la baisse rapide du nombre d’emplois, des prix :
  • Une relative stabilisation des emplois, une production satisfaisante dans ses produits comme dans ses façons de produire, imposent un ensemble de règles en matière de foncier, de technique, de volumes de production.
  • 2. cette capacité à évoluer est rentrée en phase avec les besoins de la société et des entreprises d’amont et d’aval, accélérant ainsi énormément les dynamiques internes :
  • Un contrôle strict des facteurs externes à l’agriculture familiale est donc indispensable si on veut lui assurer un développement harmonieux.
  • 3. la diversité des exploitations familiales et la compétition existant souvent entre elles au sein d’un même espace entraînent de fortes inégalités à un moment donné et en perspective :
  • cette diversité fait de l’ensemble « agriculture familiale » un objet complexe et souvent contradictoire de politique agricole ; il doit être abordé dans cette diversité sauf à accroître ces inégalités ; de plus, le sous ensemble facilement désigné par « petites exploitations » doit être appréhendé dans toutes les difficultés de sa situation et de sa capacité à se maintenir et à évoluer. Ainsi, la recherche du maintien du plus grand nombre possible d’emplois et d’exploitations, ne doit pas ignorer les mouvements, d’origine diverse, de réduction de ces deux effectifs. Ainsi, il peut être contreproductif, y compris pour les paysans, si les politiques ne prennent pas correctement en compte la double relation entre agriculture et reste de l’économie en matière d’emploi et d’accroissement de la production, d’amélioration des revenus et des conditions de travail : si le développement de l’agriculture familiale doit se faire en fixant le maximum d’emplois, il n’en reste pas moins que l’offre d’emplois hors agriculture peut constituer un facteur de développement satisfaisant de celle-ci.

Diverse et en évolution rapide depuis les années 50 en Europe, depuis les années 50 ou 70 au Sud selon les pays, l’extension géographique de l’exploitation familiale est très incomplète dans deux grands types de situation : en raison de la persistance de grands domaines (plantations …) constitués pendant la période coloniale, notamment en Asie du Sud-est (Philippines, Malaisie …) à côté de pays où des réformes agraires, plus ou moins imposées après 1945 par les Américains, ont permis un développement d’exploitations familiales relativement égalitaires (Corée du Sud, Taïwan …). L’autre situation correspond à des unités de production qui, tout en étant de type familial, ne sont pas homogènes aux exploitations européennes pour des raisons de complexité des régimes fonciers (arrangements coutumiers bousculés par différents processus d’appropriation) et de l’insécurité foncière.

Exploitation paysanne : il s’agit d’une exploitation familiale restée insérée dans son environnement naturel et social et échappant largement, volontairement ou non, au modèle dominant. Les exploitations paysannes sont, dans de nombreux pays, immergées dans une économie agricole qui n’est plus paysanne.

Exploitation capitaliste : l’origine des facteurs de production est distincte (salariés pour le travail, propriétaire foncier pour la terre, exploitant et ou sociétés pour les capitaux) et l’objectif principal est de dégager une forte rentabilité du capital investi. Une part du travail peut être fournie par l’exploitant et sa famille dans le cas d’unités de taille modérée. Dans le cas général, l’objectif de rentabilité conduit à des processus de forte spécialisation avec une main d’œuvre peu qualifiée et au statut précaire.

Les "non" exploitations : paysans sans terre, micro exploitations : il s’agit d’un ensemble important de personnes qui ne disposent que de leur travail, avec ou non une petite surface de terre productive. Elles sont dans une situation extrêmement précaire, y compris pour l’accès à la nourriture. Non directement concerné par les mesures qui s’adressent aux exploitations, cet ensemble devrait représenter un enjeu capital pour les politiques agricoles et sociales, adaptées aux diverses situations.

2.2 : les façons de produire :

Agriculture paysanne : majoritairement pratiquée par les exploitations paysannes, cette agriculture repose sur la valorisation des ressources locales et sur un faible appel aux intrants et aux moyens d’origine industrielle dans le cadre de systèmes de production autonomes et économes (fort taux de valeur ajoutée/produit brut) [10] . En France, la charte (ni cahier des charges, ni certification) de l’« agriculture paysanne", portée par la Confédération paysanne, repose sur dix principes à partir de la définition suivante :

Les dix principes de l’agriculture paysanne (FADEAR)

1. Répartir les volumes de production afin de permettre au plus grand nombre d’accéder au métier et d’en vivre,

2. Etre solidaire des autres régions d’Europe et du monde,

3. Respecter la nature,

4. Valoriser les ressources abondantes et économiser les ressources rares,

5. Rechercher la transparence dans les actes d’achat, de production, de transformation et de vente des produits de l’agriculture,

6. Assurer la bonne qualité gustative et sanitaire des produits,

7. Viser le maximum d’autonomie dans le fonctionnement des exploitations agricoles,

8. Rechercher les partenariats avec les autres acteurs du monde rural,

9. Maintenir la biodiversité animale et végétale,

10. Raisonner toujours à long terme et de façon globale.

Ces dix principes sont traduits dans une charte qui permet d’évaluer chaque exploitation en rapport avec ces 10 principes.

Agriculture familiale  : pratiquée par les exploitations familiales, cette agriculture ne relève d’aucune façon particulière de produire, de l’agriculture paysanne à la plus industrielle. Donc, le terme « familiale » recouvre des structures et des façons de produire très diverses [12]. Sa spécificité par rapport à l’agriculture industrielle réside dans l’objectif de satisfaire, avec une certaine autonomie, les attentes de la famille et non dans celui d’une efficacité maximale de type industriel et capitaliste. Mais cette unité peut être très productiviste, polluante, en compétition pour la terre …, voire passer à une forme industrielle au sein d’une unité de type capitaliste ou familiale, en fonction de la stratégie de chaque exploitation au regard de sa place dans le processus d’intégration/exclusion et de la place de ses productions dans le processus global de croissance/régression (voir encadré n° 1).

Agriculture industrielle [13] : agriculture qui se rapproche de l’industrie dans sa façon de produire : spécialisation, standardisation, salarisation ou réduction de la quantité de travail par unité produite, forte utilisation de facteurs d’origine industrielle pour bénéficier d’économies d’échelle (et/ou de structure et d’organisation) et de rapports favorables avec les fournisseurs et les clients. Cette « industrialisation », cette hétéronomie, plus facile en exploitation capitaliste, en raison notamment du rapport salarial, est également possible en exploitation "familiale" [14].

==> En conséquence, l’opposition binaire agriculture familiale/agriculture industrielle relève sur certains points d’une simplification abusive, utilisée faute de mieux. Elle a notamment un double inconvénient : a) minorer les conséquences environnementales et sociales d’une partie, plus ou moins importante selon les régions et les pays, des exploitations de type familial [15] ;b) comparer deux ensembles en conditions très différentes, l’agriculture industrielle bénéficiant en totalité de son imbrication avec l’agrobusiness, alors que pour l’agriculture familiale cette imbrication a des conséquences variables et souvent opposées selon les unités (voir 3).

Agriculture intensive : cette expression est souvent utilisée dans le langage courant avec une connotation négative pour désigner une façon de produire faisant excessivement appel à des produits d’origine industrielle. En fait, le terme « intensif » désigne le niveau d’emploi d’un facteur (travail, intrants, capital physique, terre) par rapport à un autre, généralement la terre et le travail. Ainsi, une agriculture employant une forte quantité de travail par unité de surface sera dite intensive en travail par rapport au facteur terre ; une autre sera intensive en mobilisant beaucoup d’intrants chimiques et de capital par ha. Intensité débouche normalement sur productivité, intensification débouchant sur gain de productivité : par exemple l’accroissement de l’emploi de produits d’origine industrielle par travailleur (intensification sur ce facteur) s’est généralement traduit par un fort accroissement de la productivité du travail (quantité de production ou de valeur ajoutée par unité de travail). A l’opposé le terme « extensive » désigne une agriculture mobilisant peu de facteurs par ha, en raison de conditions naturelles peu favorables ou d’une grande disponibilité en terre.

==> Il serait donc nécessaire de raisonner en combinant caractéristiques techniques (façon de produire) et socio-économiques (type d’exploitation, position dans le processus d’inclusion/exclusion) ; mais faute de données statistiques et de caractérisations technico-économiques précises, les appellations avec le terme "familiale" (exploitation ou agriculture) ont une faible valeur descriptive et normative compte tenu de la diversité des façons de produire dans ce type d’exploitation. Certes, l’objectif de ce type d’unité : rémunération du travail avec une certaine autonomie vis-à-vis des entreprises extérieures, est relativement discriminant vis-à-vis des autres formes mais peu unifiant en interne, même après séparation du sous-ensemble des exploitations paysannes, séparation difficile faute de données statistiques précises, en dehors de l’indication de la taille, critère peu signifiant.

A cette diversité interne de la catégorie "exploitation familiale" au sein d’un même pays ou d’une sous-région, s’ajoute la très grande diversité au sein des espaces importants (UE, Inde …) et a fortiori à l’échelle mondiale. Cette diversité tient en particulier à celle des situations économiques des agricultures et des sociétés, via notamment la diversité et la complexité des régimes fonciers ne reposant pas sur la propriété privée du sol et par là même, davantage source d’instabilité foncière, voire d’insécurité foncière.

==> les impacts des trois agricultures peuvent être très brièvement formulés ainsi :

impact social et écologique
très positif à positif positif à négatif négatif à très négatif
agriculture paysanne agriculture familiale agriculture industrielle

La question devient alors : comment segmenter l’agriculture familiale pour améliorer la force descriptive et normative du terme "familial" ? Il faut recourir à des adjectifs supplémentaires mais également peu précis ("paysanne et durable") comme le fait LVC dans le texte cité.

Le contenu et le degré de mise en œuvre des préconisations agronomiques globales [16] : AB, "agriculture paysanne", "agriculture durable", "agroécologie", "révolution doublement verte", peut en effet apporter une certaine clarification.

2.3 Apport des préconisations agronomiques de type global

Cette catégorie peu habituelle comprend trois [17] propositions qui ne recoupent ni des préconisations agronomiques spécifiques, ni une façon de produire.

Agriculture durable  : elle invite à promouvoir et à pratiquer une agriculture économiquement viable, saine pour l’environnement et socialement équitable. Elle est soutenable car elle répond aux besoins d’aujourd’hui (aliments sains, eau de qualité, emplois et qualité de vie) sans remettre en cause les ressources naturelles pour les générations futures » (Réseau Agriculture Durable, RAD). Cette définition [18] peut être ainsi précisée en prenant en compte les trois types de durabilité : • la durabilité économique : à l’échelle des exploitations et de l’agriculture, obtention de bons résultats notamment en termes de revenu et de conditions de travail, avec une forte efficience [19] et la pérennité des structures de production et des emplois. • la durabilité environnementale : pression polluante faible ou nulle pour protéger les ressources naturelles, assurer la qualité des aliments et réduire la consommation d’eau et d’énergie ; elle comporte aussi la sauvegarde du patrimoine paysager et bâti. • La durabilité sociale [20] : bonnes conditions de vie des travailleurs de l’agriculture, équilibre territorial, etc.

Cette notion d’agriculture durable présente plusieurs difficultés, du fait notamment de la diversité de son contenu selon les auteurs, certains la limitant au non labour. Surtout, la définition et l’application de la durabilité environnementale impliquent le recueil de nombreuses informations pour établir les normes adaptées aux différents systèmes productifs et milieux d’un pays [21] .

L’agroécologie vient de gagner en notoriété avec le rapport de décembre 2010 du Rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation [22]. En voici les grandes lignes dans son aspect scientifique [23] (Altieri 2002) :

  1. 1. Améliorer le renouvellement de la biomasse et optimiser la disponibilité des nutriments et l’équilibre des flux de nutriments.
  2. 2. Assurer des conditions des sols favorables pour la croissance de la plante, particulièrement par la gestion de la matière organique, la couverture des sols et l’amélioration de l’activité biologique des sols.
  3. 3. Minimiser les pertes en énergie solaire, en air et en eau par la gestion du microclimat, la récupération des eaux et la gestion du sol, à travers une augmentation de la couverture des sols.
  4. 4. La diversification génétique et des espèces de l’agro-écosystème dans le temps et dans l’espace.
  5. 5. Valoriser les interactions biologiques bénéfiques et les synergies entre des éléments issus de la biodiversité, pour mettre en avant les processus et les services écologiques clés.

Si ces préconisations sont pertinentes [24] , elles sont peu précises pour les productions animales et difficilement adaptables à certains systèmes de production : élevage en zones difficiles, très petites exploitations axées sur l’autoconsommation ; elles peuvent aussi paraître technicistes et peu systémiques à l’échelle du système de production. Ces apports de l’agroécologie sont bien sûr à intégrer dans les propositions de boîte à outils, celle de IAASTD [25] par exemple, mais ne justifient sans doute pas de faire de l’agroécologie le modèle normatif idéal.

La révolution doublement verte : ses objectifs sont définis par Michel Griffon [26] : «  Produire beaucoup plus en limitant la progression des surfaces pour ne pas détruire les espaces naturels […], en devant doubler les rendements […], en réduisant les atteintes à l’environnement et en utilisant des techniques économiques accessibles aux plus pauvres" [27] . Pour y parvenir il est indispensable de combiner, autour des objectifs de viabilité et d’équité sociale, une « nouvelle technologie, avec des techniques fortement inspirées du fonctionnement de la nature [28] et une nouvelle politique agricole [29]

==> D’où trois propositions à discuter : • La dénomination des agricultures satisfaisantes implique de recourir à deux notions : agriculture paysanne et agriculture familiale durable, en sachant cependant que la durabilité soulève de nombreuses difficultés de définition et donc d’utilisation ; ces deux notions s’opposent, à « agriculture industrielle » et à « agriculture familiale non durable » (avec cette même difficulté). Il serait éventuellement nécessaire de recourir à l’expression « agriculture alternative » (sous entendu au système dominant) recouvrant : la petite paysannerie pauvre, l’agriculture paysanne, l’agriculture familiale durable. • Le choix d’une orientation agronomique de référence ne semble pas très pertinent, chacune étant utile mais incomplète, avec un contenu et une portée spécifiques [30] . Cette complémentarité est à valoriser, par exemple en suivant les préconisations d’IAASTD pour conforter les agricultures paysanne et familiale durable. Il s’agit en particulier de prendre au mieux en compte les situations locales et les besoins des producteurs et du processus global du développement sous ses trois aspects (économique, écologique et social). C’est dans ce cadre que doivent être pensées l’émergence et l’adoption de nouveaux choix techniques, changements toujours difficiles, particulièrement s’ils sont contradictoires avec le modèle dominant. • Ces orientations en faveur des agricultures souhaitées doivent être confortées par des propositions de restriction des moyens et des marges de manœuvre accordées à l’agriculture industrielle et familiale non durable, plus globalement à l’agrobusiness, ce qui conduit à prendre en compte le système alimentaire mondial (SAM).

3. Les rapports de force au sein du SAM

Un système alimentaire correspond à un réseau d’acteurs qui au sein d’un espace (local… mondial) participent, directement ou indirectement, à la création de flux de biens et de services tournés vers la satisfaction des besoins alimentaires des consommateurs de l’espace concerné ou à l’extérieur de celui-ci (d’après Jl. Rastoin et G Ghersi ; le système alimentaire mondial, QUAE 2010). Ce système peut aussi être "défini par l’organisation géo-politico-économique des relations entre l’agriculture et l’alimentation durant une période historique donnée" [31].

Chaque système alimentaire, le système mondial en particulier, est complexe en raison du très grand nombre d’acteurs de taille et de nature très différentes, de ses relations avec de nombreux éléments extérieurs (conditions naturelles, contexte socio-économique), du caractère mixte de sa régulation (marché, Etats, accords internationaux), de la pluralité, souvent contradictoire, de ses centres de commande. Depuis les années 1980 et les accords OMC de 1994 et autres, le SAM a été fortement libéralisé et "mondialisé" par les règles commerciales et par les firmes, entraînant un accroissement de la concurrence entre les systèmes alimentaires nationaux et locaux et entre leurs composantes agricole, industrielle et commerciale. Il s’agit seulement ici d’examiner, dans la perspective de préconisations en matière de politiques et de règles agricoles, le rapport de force entre les deux grandes composantes du système alimentaire mondial et les principaux éléments constitutifs de ce rapport de force.

3.1 Les deux composantes agricoles du SAM

Les données statistiques semblent bien insuffisantes pour préciser la part de la production agricole issue de l’agriculture familiale et de l’agriculture industrielle [32]. Les chiffres cités par le rapport de LVC, tirés de ETC 2009 [33] indiquent que les paysans et paysannes nourrissent au moins 70 % de la population mondiale (dont 50 % par les paysans urbains !), contre 30 % pour la chaîne industrielle. Dans son rapport 2009, la FAO indique les parts suivantes pour "l’élevage [34] hors-sol/industriel" (en % de chaque catégorie) : bœuf = 6, porc = 55 ; volaille = 71, toutes viandes = 45. Mais le poids de l’agriculture familiale et paysanne dans l’emploi agricole et dans la production, important à divers points de vue (enjeux sociaux et écologiques …) ne dit que peu de choses sur le rapport de force entre ces deux composantes, au moins pour deux raisons principales
- la force de l’agriculture industrielle, qui repose sur divers éléments (voir 3.2) tient d’abord à une asymétrie fondamentale de relations internes et externes entre les deux composantes : d’une part l’agriculture industrielle est beaucoup moins diverse et moins dispersée que l’agriculture familiale, d’autre part, l’AI est en majorité en phase, en convergence, avec les firmes de l’agrobusiness ; on peut parler d’un complexe agro-industriel [35] (CAI) de type capitaliste alors que l’AF est dominée par l’agro business, voire pillée par le CAI.
- ces asymétries, de nature économique, débouchent sur des constructions institutionnelles (groupes de lobbying [36] , règlements, politiques) amplifiant encore le déséquilibre du rapport de force au détriment de l’agriculture familiale.

==> On a donc affaire à un SAM bipolaire, asymétrique et conflictuel. Cette situation à l’échelle mondiale est également celle de certains pays, du Brésil tout particulièrement.

3.2 Les fondements de l’asymétrie du rapport de force

Schématiquement, cette asymétrie résulte de trois facteurs : les écarts de productivité entre types d’agriculture et pays, la dynamique des firmes, les orientations des institutions 3.21 Les écarts de productivité entre types d’agriculture et entre pays. Parmi les nombreux indicateurs de productivité, le plus pertinent du point de vue du rapport de force au sein du SMA est celui portant sur la productivité par travailleur [37], si possible en termes de productivité nette (déduction des dépenses d’intrants et de capital). D’après les indications de Marcel MAZOYER [38] , on peut retenir (pour les céréales et équivalents) un rapport de 500 à 1 entre la production nette par travailleur de l’agriculture la plus productive et celle de l’agriculture la moins productive (manuelle sur lopins), de 500 à 10 (1 à 50) pour les petites exploitations sans traction animale, de 500 à 40 (1 à 12,5) pour les exploitations disposant de la traction animale et appliquant la révolution verte. Du point de vue du rapport de force l’écart va donc de 1 à 12 à 1 à 40 ce qui reste très important dans les deux cas, d’autant que les gains de productivité semblent davantage bénéficier, dans beaucoup de productions, à l’agriculture déjà la plus productive. Surtout, les conséquences de ces écarts de productivité sont très souvent amplifiées par le pouvoir de marché des firmes et par les règles internationales. Au-delà de ces constats, très imprécis, de nombreux travaux de prospective (Agrimonde …°) indiquent des évolutions de rendement par grande région selon différents scénarios mais sans différencier ces évolutions selon les types d’agriculture, faute de données de base sans doute. 3.22 La dynamique des firmes. Plusieurs éléments contribuent à donner un grand pouvoir aux firmes agro-industrielles, d’amont et d’aval, notamment aux firmes multinationales : la multiplicité des producteurs face au nombre restreint de firmes, asymétrie qui donnent à celles-ci une forte capacité de prélever à leur profit les surplus de productivité, par la pression sur les prix, par la pression sur l’adoption de nouvelles techniques du côté des producteurs et de nouveaux produits du côté des consommateurs. Ce pouvoir des firmes s’accroit encore par les concentrations, le développement du commerce international, (actuel et davantage encore à venir) et l’élargissement du champ de leurs activités. On note en effet un changement de nature et de poids de l’agro-capitalisme depuis les années 70. Pour simplifier, ce changement fait passer d’une forte présence dans le commerce des matières premières agricoles (les "commodités") complétée par les entreprises de l’agrochimie et quelques une de production, à un ensemble puissant et diversifié à toutes les branches d’amont et d’aval de l’agriculture, comprenant de nombreuses firmes multinationales ayant une part importante de leur actif à l’étranger. Ces entreprises réalisent des parts importantes de la production de leur secteur [39] (par ex en agrochimie, en semences …) et des investissements notamment hors de leur pays d’origine. De plus ces firmes, alliées ou non à des entreprises financières, développent de nouvelles activités au-delà de la production industrielle et du commerce : spéculation sur marchés à terme de produits physiques et sur produits financiers dérivés, poursuite accélérée de la céréalisation, développement de la production non agricole (agrocarburants, biomasse), accaparement des terres (plus de 40 millions d’ha en quelques années). Ces activités se développent souvent dans un partenariat entre les Etats et les firmes ou grâce à des législations favorables ou encore à des contrôles laxistes. Ces évolutions entraînent un accroissement de la capacité commerciale des firmes (compétitivité productive et commerciale, obtention de politiques publiques) plus rapide que celle de la capacité productive de l’agriculture familiale en raison de la faiblesse des investissements et de la progression technique, de la volatilité des prix, tendanciellement insuffisants. 3.23 Les règles commerciales. En poussant à la libéralisation des échanges internationaux et à la réduction des politiques agricoles, les règles adoptées, notamment à l’OMC [40], mettent en concurrence des systèmes agricoles et alimentaires de forces très inégales, notamment en fonction de la capacité des Etats et des firmes. Ce système de règles contraint les Etats faibles et favorise les Etats forts, principaux concepteurs de ces règles et soutiens de "leurs" entreprises multinationales, permettant ainsi à ces entreprises d’accroître leur pouvoir de marché et leur influence en matière de technologie, de lobbying, d’édiction de normes et de règles. Malgré quelques annonces récentes, suite à la crise de 2008, les interventions des organisations internationales n’ont guerre changé. Si la BM dit à nouveau, après 20 ans de négligence, trouver de l’intérêt dans l’agriculture c’est pour promouvoir des investissements, qui, en l’absence d’orientations particulières, vont en priorité à l’agriculture industrielle et à l’agrobusiness ; le Secrétaire général de l’OMC continue de prôner la libéralisation des échanges pour sécuriser l’alimentation ; seule la création du Comité de sécurité alimentaire soulève quelques espoirs, à transformer rapidement en décisions conformes, notamment à partir des critiques et propositions du Rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation.

==> Dans ces conditions, l’agriculture industrielle et l’agrobusiness sont conquérants, fragilisant ainsi encore davantage de nombreuses agricultures familiales. Ainsi, dire que "le système alimentaire agroindustriel dominant a échoué, qu’il faut l’enterrer, que l’agriculture paysanne peut nourrir le monde"(LVC ) [41], ou "que pour nourrir le monde, l’agroécologie surpasse l’agriculture industrielle à grande échelle" (O de Schutter) [42] relève davantage d’un souhait, certes justifié, que de la réalité ou même d’une perspective à court terme. Pour que ce souhait se réalise, il faudrait que la composante dominée du SMA acquière, par ses propres forces et avec l’appui des Etats et des organisations internationales, une capacité bien supérieure à celle qu’elle développe actuellement,

3.3 Les perspectives en vue d’un autre SMA.

Cet autre SMA, devrait correspondre à une forte perte de la place, encore davantage du pouvoir, de l’agriculture industrielle et de l’agrobusiness par leur réduction et par le renforcement de la contribution de l’agriculture paysanne et de l’agriculture familiale durable, des entreprises locales, par un changement des pratiques alimentaires d’une grande partie de l’humanité. Pour cela il s’agit de parvenir à un changement de paradigme pour la satisfaction du droit à l’alimentation pour tous dans le cadre de la souveraineté alimentaire et de la protection de la planète. Il faut aussi d’autres politiques à l’échelle nationale/régionale et d’autres règles internationales. Des prémisses existent au niveau des paysans tant par leurs pratiques productives que syndicales, dans certains groupes de consommateurs en lien ou non avec des producteurs, dans les tendances à la relocalisation. L’agriculture paysanne et familiale durable sont également de mieux en mieux défendues par certaines institutions (Rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation, centres de recherche …) mais on est encore loin du compte pour que "l’agriculture paysanne nourrisse le monde"(LVC). De plus, la solution des crises actuelles : climatique, alimentaire, énergétique, écologique, nécessite effectivement un autre SMA. [43]

[1] Elle résulte largement de la demande de Gustave Massiah de préciser les contenus des différents types d’agriculture, notamment à la suite du rapport d’O. de Schutter mettant en avant l’agroécologie pour satisfaire aux obligations du droit à l’alimentation.

[2] Le texte de LVC "l’agriculture familiale, paysanne, et durable peut nourrir le monde", septembre 2010, évoque la SA, absente du titre, uniquement en fin dans le cadre des revendications de politiques.

[3] Sans contenu juridique, le lien entre agriculture et SA, n’en est pas pour autant sans effets juridiques et judiciaires : en facilitant certains types de politique la SA peut donner plus de portée aux plaintes des personnes mal nourries vis-à-vis de leur gouvernement et aboutir ainsi à une meilleure effectivité du droit à l’alimentation. Ce point sera notamment abordé au cours du futur travail sur les relations entre SA et droit à l’alimentation.

[4] Cette agriculture, n’en est pas pour autant sans contradictions (voir 2.2)

[5] Seraient à prendre en compte les systèmes pastoraux, les formes communautaires, les grandes unités non capitalistes, étatiques ou coopératives …

[6] Le seuil de renouvellement, proche du salaire de l’ouvrier peu qualifié, correspond au niveau de revenu recherché par le futur installé ; si le revenu attendu en cas d’installation est inférieur à ce seuil, la décision d’installation sera peu probable. Ce seuil a joué un rôle important, à côté d’autres critères de choix, dans les années 50-60, en France notamment.

[7] Certaines exploitations, parmi les plus « modernes » ont supprimé l’essentiel des productions, auparavant destinées à l’autoconsommation.

[8] Cependant, la décision de s’installer ou non dépend en grande partie du niveau de salaire de la main-d’œuvre peu qualifiée hors agriculture (seuil de renouvellement)

[9] Mais il a pu s’implanter là où il a pu disposer, pour des raisons historiques, de systèmes fonciers propices et des niveaux de rentabilité satisfaisant (exploitation minière et main d’œuvre surexploitée, conditions commerciales favorables …).

[10] La caractérisation proposée p 3 par le document de LVC, déjà cité, paraît un peu optimiste : "il s’agit d’exploitations de tailles relativement petites gérées par des familles et des communautés paysannes. Des petites exploitations permettent le développement d’une biodiversité fonctionnelle avec des productions diversifiées et l’intégration de cultures, d’arbres et de bétail. Dans ce type d’agriculture il n y a pas ou peu besoin d’intrants externes puisqu’il est possible de tout produire au sein de l’exploitation".

[11] L’expression « exploitation à taille humaine » traduite dans le mot d’ordre « trois petites fermes valent mieux qu’une grande » est, en l’absence de précisions (par ex en termes de taille économique) un peu ambiguë ; de plus cette orientation et le mot d’ordre qui en découle semblent ignorer que, avec une limitation des volumes de production par travailleur et en respectant des normes environnementales, une exploitation à trois travailleurs peut satisfaire les objectifs de l’agriculture paysanne avec des conditions de travail et un productivité améliorées par rapport aux trois exploitations à un travailleur.

[12] Cette diversité est particulièrement forte en production laitière en France.

[13] Cette appellation provient aussi du terme "industry" dans le sens d’activité économique standard, pour gommer les spécificités de la production agricole et de l’alimentation.

[14] Par exemple comment qualifier une exploitation familiale détenant un élevage hors-sol de type industriel ?

[15] Pour compliquer encore, un système de production animale dit industriel ou "hors sol" (défini par la FAO comme achetant au moins 90 % des aliments à d’autres exploitations ou entreprises) peut être intégré dans une exploitation familiale.

[16] Par opposition à des préconisations spécifiques à une pratique, à une production…

[17] L’agriculture biologique et « l’agriculture paysanne », constituent une forme renforcée de l’agriculture durable.

[18] Autre définition : "la durabilité d’un système productif (exploitation, secteur) correspond à sa capacité à reproduire ses caractéristiques en respectant les normes socialement admises en matière économique, environnementale et sociale" : M Buisson et al : évaluation de la multifonctionnalité des exploitations agricoles ; Institut de l’Élevage ; mars 2007, p 54.

[19] Efficience : rapport au niveau sectoriel comme à celui de l’exploitation, entre les résultats obtenus et les moyens mobilisés, mesuré par exemple par un taux de valeur ajoutée ou de revenu sur la valeur de la production. On peut aussi parler d’efficience énergétique (énergie produite sur énergie utilisée …

[20] Cette durabilité ne dépend pas uniquement des politiques agricoles sectorielles mais n’en reste pas moins une exigence d’un projet alternatif.

[21] La notion de "multifonctionnalité " est complémentaire de celle de durabilité, notamment à l’échelle d’un territoire, d’un écosystème. Elle indique la capacité d’un système productif à remplir, en réponse à des demandes spécifiques, d’ordre économique, environnemental ou social, une ou plusieurs fonctions, marchandes ou non marchandes, autre que la fonction productive de base. Institut de l’Elevage, 2007 p 54

[22] "Agroécologie et droit à l’alimentation" ; 20décembre 2010

[23] Les deux autres aspects de l’agroécologie, les pratiques et le mouvement ne sont pas évoqués ici.

[24] Certains des ces principes sont intégrés dans d’autres propositions : les deux premiers dans l’agriculture durable de André Pochon autour de l’équilibre sol-plantes-animaux, le facteur sol devant être élargi à l’écosystème. Le principe 3 est à la base de ce que le CIRAD définit de façon donc très restrictive comme "agroécologie" (absence de labour et couverture maximale du sol)

[25] Elle peut se résumer autour des orientations suivantes : favoriser la diversité des systèmes de production, donner un rôle central aux approches agroécologiques pour prendre en compte la spécificité des milieux et des besoins des productions, donner la priorité à l’agriculture familiale et une place centrale aux sciences sociales.

[26] M Griffon, Nourrir la planète, pour une révolution doublement verte, Odile Jacob, Paris, 2006, p. 263.

[27] On est donc et heureusement loin des principes de la première "révolution verte"

[28] Cette proposition renvoie à la notion "d’intensification écologique" (par opposition à celle d’origine industrielle) évoquée par M Griffon ; voir notamment B. Hubert, T. Ronzon Agrimonde, 2010 ; p 222-229

[29] M. Griffon Ibid., p.282.

[30] Y compris la dernière recommandation de la FAO "produire plus avec moins", destinée aux familles à faible revenu (Agrafil du 14 juin 2011)

[31] Philp McMichael " la restructuration globale des systèmes agro-alimentaires" ; Monde en développement ; n° 117, tome 30, année 2002 ; pp 45-53.

[32] Ces deux catégories sont utilisées ici faute de mieux.

[33] "Questions for the food and climate crises" RTC group ; novembre 2009. Le mode de calcul de la part des paysans dans la production n’est pas explicité (ce n’est pas l’objet du rapport) au-delà de l’effectif des différents groupes paysans.

[34] Ces données pour l’élevage gagneraient à être complétées par celles sur la production des aliments pour animaux, en lien avec le double mouvement de "céréalisation" (soja compris) et de l’internationalisation de cette production.

[35] Le rapport d’ETC parle de "la chaîne alimentaire industrielle", et en opposition de "la toile alimentaire des paysans".

[36] Par exemple FARM et Momagri, pour la France,

[37] Les écarts de productivité par ha sont intéressants pour un pays donné dans une optique de capacité de production et non directement de rapport de force au sein du SAM. Pour diverses raisons technico-économiques, (substitution entre facteurs de production en vue d’une production ou d’un revenu donné) on note généralement, après un maximum correspondant à des exploitations de petite taille (mais non très petite), une décroissance de la productivité par ha quand la taille en ha des exploitations augmente (Rosset, 1999, cité par LVC). Ce constat plaide en faveur des petites exploitations à condition que les écarts de productivité du travail en fonction de la taille des exploitations ne résultent pas principalement de différences dans les conditions naturelles ou techniques (irrigation …).

[38] Les chiffres retenus ici proviennent de deux sources : a) M. Mazoyer et L. Roudart, Histoire des agricultures du monde, p 594, POINTS, histoire, b) M Mazoyer : une situation agricole mondiale insoutenable, ses causes et les moyens d’y remédier" in Monde en développement n° 117, année 2002, p 25 à 37 ; les chiffres 500 et 1indiqués sont ceux de "histoire du monde", les autres sont ceux de « Monde en développement » corrigés par moi pour passer de la productivité brute à la productivité nette.

[39] En France en 2007, les 4 premières entreprises (C4) réalisaient 53 % du chiffre d’affaires de l’agrofourniture, 55 % de celui des IAA et 75 % de celui de la distribution

[40] Principalement : règles "de la nation la plus favorisée" (NPF), du "traitement national" (TN), "de l’accès minimum" (obligation d’importer un certain % des besoins), accord sur la propriété intellectuelle …

[41] Communiqué du 22 février 2011 en préparation de la journée du 21 avril et des rencontres internationales à venir.

[42] Titre journalistique à l’occasion du compte rendu de la conférence de presse du Rapporteur lors de son intervention devant le Conseil des droits de l’homme le 8 mars.

[43] La prise en compte des trois premières de ces crises est à la base du scénario alternatif "Agrimonde 1 "nourrir la planète en préservant les écosystèmes"(page 205 et sq) de S. Paillard … (coord.) Agrimonde, scénarios et défis pour nourrir le Monde, éditions QUAE, 2010, Versailles.


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